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RAÄVENA
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Mes iris sanglants scrutaient les moindres faits et gestes des gens autour de nous, tous s'activaient à décharger les convois et emporter leur contenu ailleurs, engendrant un brouhaha continu. Depuis que nous avions pénétré la colonie mère, on nous avait enchaînés les uns aux autres par des colliers reliés entre eux par des liens magiques qui avaient l'apparence de vulgaires cordes blanches. Mais malheur à celui qui tenterait de s'en libérer. Les elfes excellaient dans presque tous les domaines, la magie n'y faisant pas exception. Seuls les sorcières, et les rares sorciers les surpassaient dans cet art. Enfin, les vampires rivalisaient aussi, jadis. Nous avions été parqués dans un coin pour ne gêner personne et avions pour ordre de ne pas bouger. Nous n'étions donc rien de plus que des meubles au milieu d'autres objets à ce moment-là.
Mon regard fut attiré par du mouvement non loin de nous. Derrière des caisses se trouvaient trois petites têtes surplombées d'aigrettes qui s'agitaient de manière tout bonnement adorable. Et de grands yeux nous inspectaient avec curiosité. C'était la première fois que j'entrais en contact direct avec des ashias, mais je ne pouvais m'empêcher de trouver ces créatures charmantes, surtout lorsqu'elles étaient jeunes comme celles qui nous scrutaient à présent. Cela arriva à me tirer un sourire attendri. Ce mouvement de lèvres n'échappa pas aux jeunes ashias qui s'en retrouvèrent tout excités et se mirent à murmurer entre eux des choses que je ne parvins, malheureusement, pas à saisir.
Mon sourire s'évanouit quand une présence me donna de désagréables frissons dans le dos. Je sentis des doigts frôler mes jambes et eus le réflexe d'éloigner mes membres de ce toucher inopportun. Mon regard entra soudainement en collision avec un autre. Vert si clair qu'il semblait appartenir à un être sur le point de rendre son dernier souffle. Il n'en était pourtant rien, il s'agissait d'un elfe avec des cheveux sombres ondulés et au teint aussi pâle que la mienne. Son expression était vicelarde alors que ses doigts presque osseux revinrent à la charge, caressant ma peau et retraçant les lignes noires qui ornaient mes cuisses.
— Une sang pur, minauda-t-il, ça fait si longtemps que je n'en ai pas vu. Ah ! Toi aussi, tu es jolie, même si tu n'es pas une sang pur.
Cette seconde phrase faisait référence à sa jeune consœur qui se crispa au moment où il se permit de la toucher à son tour. J'eus l'envie de lui asséner un coup de pied pour l'éloigner de nous, mais m'abstins comme toujours. C'était un elfe, mais il dégageait quelque chose de dégoûtant et pourtant de si familier en même temps. Je me mordis la lèvre lorsque je sentis les doigts de cet individu remonter plus haut et se faufiler sous mes vêtements. Heureusement, Erzaren se présenta tel le sauveur qu'il était pour nous.
— Je peux savoir ce que tu fais, Nym ?
— Eh ? Oh ! Erzaren, tu es là aussi ! Bonjour.
L'hybride plissa les yeux en voyant l'expression de serpent qu'abordait l'elfe à la chevelure de jais. Ce dernier se redressa, retirant alors ses mains baladeuses de nos personnes pour notre plus grand soulagement.
— Je t'ai demandé ce que tu fais, insista Erzaren.
— Et bien, je ne faisais que faire connaissance avec les nouveaux esclaves. Je ne peux pas ?
— Ce n'est pas la question. Je ne pense pas que faire ça aux yeux de tous soit approprié.
— Qui s'en soucie ?
Il était difficile d'ignorer la tension qui régnait entre les deux hommes. Mon regard écarlate passa de l'un à l'autre à plusieurs reprises avant qu'une nouvelle présence proche de moi ne me détourne de cet affrontement silencieux. Un ashia adulte, au plumage caramel tacheté de blanc, se tenait près de nous et m'observait avec l'œil pétillant alors que les aigrettes sur sa tête s'agitaient avec entrain.
— Vous êtes une sang pur, pas vrai ?! s'exclama-t-il avec enthousiasme.
C'était bien la première fois qu'on me vouvoyait, ça faisait bizarre. Mais je commençais également à ressentir une certaine lassitude vis-à-vis des réactions des gens face au fait que je sois une sang pur. J'avais l'impression de n'entendre que ça et en un demi-millénaire de vie, ça devenait presque ridicule. Je n'étais pas une espèce d'animal exotique.
— Oui, comme vous pouvez le voir.
— Fantastique ! Je m'appelle Revi et si vous voulez bien, j'aimerai en apprendre plus sur vous ! J'ai toujours été curieux d'en savoir plus sur les sangs purs !
Il était réellement excité comme une puce, je ne lisais aucune mauvaise intention dans son regard, c'était de la pure curiosité. Mais quelque chose d'autre attira mon attention. Cette créature transportait quelque chose au niveau de son ventre. Je ne pus m'empêcher de tendre légèrement le cou vers l'objet de mon intérêt et j'eus l'ébahissement de voir qu'il s'agissait d'un œuf.
— Ça vous intrigue ?
— Hein ? Oh ! Je suis désolée, j'ai juste été... surprise, fis-je en détournant le regard.
— Ne soyez pas si embarrassée, ce n'est pas grave, vous n'êtes pas la première à trouver ça singulier ! Les ashias transportent leurs œufs avec eux pour assurer constamment leur sécurité !
Une chose était sûre, cette créature était particulièrement bavarde. Je hochai simplement la tête pour lui faire comprendre que j'avais saisi le pourquoi du comment. Mais alors qu'il allait poursuivre, il fut interrompu par un soldat.
— Que quelqu'un détache cette sang pur, Dame Edea la réclame, déclara-t-il d'une voix forte.
— Oh ? Puis-je emmener celle-ci aussi ? demanda Nym en pointant Valaine.
— Faites ce que vous voulez, nous n'avons pas d'ordre la concernant.
— Bien, alors qu'on la détache également.
Du coin de l'œil, je vis la pauvre Valaine frémir d'horreur et je pouvais la comprendre. Ce type dégageait une aura réellement malsaine, ce qui n'annonçait rien de bon pour la suite. Il ne fallut pas bien longtemps pour que nous soyons libérées de nos entraves et emmenées. Je jetai un coup d'œil discret en direction des trois mâles restés derrière. Qadir arborait une expression inquiète tandis que les deux autres marmonnaient entre eux. Je ne pus qu'espérer qu'ils ne subissent pas trop de tourments.
Sur le chemin, ce fut plus fort que moi, je me montrai curieuse, mon regard s'attardant sur tout ce qui nous entourait. Les maisons pittoresques, les enfants qui jouaient bruyamment, les divers commerces tenus par les adultes et surtout l'immense toile d'araignée métallique qui trônait en maître au-dessus de nous. Le soleil qui perçait à travers le feuillage par endroit donnait au tout un aspect féérique. C'était fantastique, ce peuple était d'une ingéniosité folle. J'étais heureuse de pouvoir le découvrir de mes propres yeux au moins une fois dans ma vie. Je tournai alors la tête en direction de Valaine et mon air détendu s'effaça instantanément en constatant la mine mortifiée de la jeune vampire. La peur semblait la ronger de l'intérieur. J'aurais aimé la rassurer et lui dire que tout se passerait bien, que ce n'était rien de grave, mais ce serait un odieux mensonge que de lui faire croire cela. J'avais vu de quoi les elfes étaient capables avec nous à maintes reprises durant mon existence. C'était gravé dans sa chair à elle, même s'il ne restait que de fines cicatrices. Le souvenir, lui, serait indélébile dans son esprit.
Tout ce que je pus faire, ce fut de lui prendre la main dans l'espoir que cela puisse la soulager un instant de ses angoisses. Je sentis les doigts de la plus jeune se refermer sur les miens et les serrer avec une certaine force. Je gardai la main de ma consœur dans la mienne, le reste du trajet, jusqu'à ce que l'on s'arrête devant une maison. Je la relâchai pour éviter toute raillerie de la part de leurs propriétaires, même si je ressentis la détresse de Valaine quand ma peau quitta la sienne. Nym pénétra le premier dans la demeure, Raävena lui emboîta le pas, puis Valaine l'imita.
— Nym, c'est toi ? demanda une voix féminine depuis une autre pièce.
— Oui, mère ! Je suis revenu avec les esclaves !
Une grande femme élégante apparut alors dans l'entrée. Je la scrutai discrètement, je n'éprouvai aucune difficulté à établir le lien de parenté avec Aolis et Edea, ce qui voulait dire que Nym était également de leur famille. J'avais presque du mal à y croire, tant ce qu'il dégageait était différent de la fratrie royale.
— Tu iras saluer Aolis et Edea lorsqu'ils en auront terminé en haut. Sang pur, monte donc rejoindre Edea, elle t'a fait quérir pour ça, elle doit se trouver dans une des chambres au fond du couloir sur la gauche. Et au pas de course.
— Bien, Madame.
Je m'inclinai humblement avant d'accéder à l'étage et traverser le couloir dans la direction qui m'avait été donnée. Je ne portai pas la moindre attention aux autres panneaux de bois sombre sur les murs, me contentant de me rendre tout de suite dans le fond. Maintenant, il fallait savoir quelle porte était la bonne. Je pris celle à ma droite, l'ouvrant sans bruit au cas où je me serais trompée, mais la pièce était vide. Je m'y glissai donc à pas feutrés, refermant derrière moi tandis qu'un parfum humide et fleuri vint titiller mon odorat sensible. Pour ainsi dire certaine d'avoir déniché la chambre de la princesse, je me mis à piétiner en direction de la salle de bain tout en défaisant mes habits lentement. Sachant parfaitement ce qu'Edea voulait en me faisant quérir de la sorte. Sauf que ce ne fut pas Edea qui se présenta à elle.
Mes yeux s'ouvrirent en grand à l'instant où je fis face au frère de celle que je pensais trouver dans cette salle de bain. Il parut tout aussi interloqué et cela encore plus en me surprenant en train de me dévêtir. Immédiatement, je cherchai à couvrir ma nudité partielle, mais une poigne puissante se referma sur mon délicat poignet pour m'empêcher d'agir. Je me figeai alors que mon cœur se mit à galoper dans ma poitrine et que l'adrénaline circula à grande vitesse dans mon sang.
— Je peux savoir ce que tu comptais faire, Raävena ? articula-t-il d'un ton tranchant.
Je fus bien incapable de m'expliquer. Tout simplement parce qu'il n'y avait aucune bonne réponse dans une situation comme celle-ci. Je ne pouvais juste pas lui dire que j'allais rejoindre sa sœur pour m'adonner à des plaisirs saphiques avec elle, il me tuerait sur le champ. Je ne sus pas ce qui se passa dans ma tête à ce moment-là, mais je tentai de m'enfuir, parvenant à me libérer de sa prise à cause de la soudaineté de mon acte. Je n'allai, évidemment, pas bien loin. Il ne fallut que quelques secondes pour que le souverain vienne écraser son corps massif contre le sien.
— Où est-ce que tu crois aller, hein ?!
Il me retourna sans douceur contre la porte en bois sombre, faisant trembler les gonds de celle-ci. Je grimaçai, ça faisait mal. Je plongeai à nouveau mes iris dans ceux d'Aolis et tressaillis en le voyant si proche. Son souffle chaud caressait la peau pâle de mon visage et son nez frôlait parfois le mien. On se toisa ainsi longuement ou peut-être pas. Je ne savais pas vraiment, le temps semblait avoir décidé de s'arrêter pour nous créer une parenthèse hors de la réalité. Son odeur m'embrouillait l'esprit et me donnait des papillons dans le ventre alors que je sentais son sang battre dans ses veines à une si faible distance. J'émis une espèce de grognement de satisfaction qui fit courir une chair de poule sur la peau du souverain.
Il l'attrapa par la nuque et plaqua rudement mes lèvres sur les siennes, me faisant gémir entre nos lèvres. Mes mains tatouées s'accrochèrent à la tenue en soie du roi elfe, pendant que je lui rendis son baiser avec une avidité mal contenue. Il n'y avait rien de doux dans ce moment, tout était bestial. Deux prédateurs qui se battaient pour avoir la dominance sur les désirs de l'autre. Un rapport de force où l'on n'usait pas d'épée, mais seulement de sa propre chair. Mais ce duel ne connaitrait pas sa fin à ce moment-là, car la parenthèse que nous nous étions créée vola en éclat lorsque l'on frappa à la porte du souverain.
— Monseigneur ? Puis-je entrer ?
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